Face à une défiance croissante vis-à-vis du monde du travail et aux tensions autour de l’allongement des carrières, le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, soulève la question centrale de la motivation au travail.
Il propose d’ouvrir un débat national dans le cadre de la conférence sur les retraites et le travail, et envisage d’élargir la réflexion au financement de la Sécurité sociale. Cette démarche pourrait dessiner les contours d’un nouveau pacte social pour les prochaines années.
Interroger la « résistance au travail »
Une interrogation politique forte
L’un des premiers volets de l’intervention du ministre a porté sur cette question : « Pourquoi autant de Français, quel que soit leur métier, à 60-62 ans, ont-ils autant envie de quitter le travail ? ». Selon lui, cette interrogation n’a jamais été réellement traitée, et pourtant elle est au cœur des résistances à l’allongement de l’activité professionnelle.
Ce questionnement rejoint les préoccupations sur les conditions de travail, l’épuisement, le sens et la valorisation des métiers dans une société en mutation.
La conférence sociale : lieu de débat, pas de négociation
Pour structurer le débat, le gouvernement prévoit une conférence sociale sur le travail et les retraites, annoncée pour fin novembre, avec la participation des syndicats, des organisations patronales et des experts. Cette conférence ne serait pas un lieu de négociation stricte, mais un espace d’expression, d’écoute et de confrontation des idées.
Seront au menu des thématiques larges : les différents régimes de retraite, la classification des métiers, la pénibilité, et bien sûr la question du sens et de la motivation au travail lui-même.
Au-delà des retraites : repenser la Sécurité sociale
Vers une refonte du financement à partir de 2026 ?
Jean-Pierre Farandou a suggéré que le débat pourrait s’élargir dès 2026 pour interroger le financement global de la Sécurité sociale. Il a déclaré qu’il préférait « regarder de manière lucide » plutôt que de recourir à des solutions provisoires année après année.
La question est d’autant plus sensible que le système vieillit : les équilibres démographiques, le rapport cotisants/retraités, la pression sur les dépenses de santé rendent inéluctable une réflexion sur ses fondations.
La suspension de la réforme des retraites et ses implications
La réforme des retraites adoptée en 2023 a été temporairement suspendue, et la question de son coût fait l’objet de multiples estimations divergentes. Le ministre a défendu la position selon laquelle les pensions doivent continuer de « payer les retraites », tout en soulignant que la compensation de cette suspension peut et doit être débattue et aménagée.
Cette conjoncture ouvre une fenêtre d’opportunité pour revisiter les mécanismes de cotisation, les régimes complémentaires et même le rôle de dispositifs par capitalisation ou par points. Certaines déclarations suggèrent que des options telles que le régime par points ou la capitalisation ne sont pas exclues.
Défis, enjeux et attentes
Restaurer le sens du travail
L’un des défis majeurs sera de dépasser le simple débat technique et de renouer avec le sens : pourquoi travailler plus longtemps ? Comment garantir que les conditions, la reconnaissance et l’équilibre vie professionnelle/personnelle restent acceptables ?
Des pistes peuvent émerger autour de l’aménagement du temps de travail, de la formation continue, du soutien aux métiers usants ou à risques, ou encore de la revalorisation salariale dans les secteurs en tension.
Risques de conflit social ou de blocage politique
Une conférence qui ne débouche pas sur des compromis concrets pourrait susciter la frustration des partenaires sociaux. Le ministre lui-même a souligné qu’un accord est possible, mais qu’il faudra du courage pour « prendre le taureau par les cornes ».
L’introduction de sujets sensibles comme le régime par points ou la capitalisation pourrait alimenter la suspicion, si ces options sont perçues comme des reculs acquis.
Volonté politique et climat parlementaire
Pour que ce chantier porte ses fruits, l’adhésion des deux chambres du Parlement et des partenaires sociaux sera déterminante. Le ministre insiste sur cette condition : le débat pourra aller loin si on accepte collectivement de le faire.
Avec sa volonté d’interroger la motivation au travail, d’ouvrir un débat sur les retraites et d’envisager une refonte du financement social, Jean-Pierre Farandou propose une ambition renouvelée pour le pacte social.
Toutefois, l’issue dépendra moins des intentions que de la capacité à traduire ce débat en mesures concrètes et acceptables pour les Français. Cette période pourrait être décisive pour redonner du sens au travail au XXIᵉ siècle.
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