Une vive controverse a éclaté en France après l’adoption, à une voix près, d’une résolution parlementaire portée par le Rassemblement national (RN) visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968.
Réagissant avec émotion, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé ce qu’il qualifie de « haine » à l’égard des pays du Maghreb et accusé le RN d’être l’ennemi de millions de Français.
Dans ce contexte déjà tendu entre Paris et Alger, ce débat met en lumière de profondes fractures politiques, diplomatiques et historiques.
Les faits : un vote à un cheveu
L’adoption de la résolution
Le 30 octobre 2025, l’Assemblée nationale a voté une proposition de résolution du RN dénonçant les accords migratoires conclus en 1968 entre la France et l’Algérie. Le texte a été adopté par 185 voix contre 184, avec le soutien partiel des groupes Les Républicains et Horizons.
Même si cette résolution n’a pas de portée législative, elle ne modifie pas de loi en l’état, elle constitue une forte déclaration symbolique dans le débat politique.
Le positionnement du gouvernement
En réaction, le Premier ministre a souligné que « la politique étrangère de la France n’est pas faite par des résolutions au Parlement » et qu’il convient plutôt de « renégocier » l’accord que de l’abroger unilatéralement
Sébastien Lecornu a affirmé que l’accord de 1968 appartient « à une autre époque » et doit être reconsidéré dans un contexte diplomatique renouvelé
Mélenchon contre-attaque : « Assez de haine ! »
Réactions véhémentes
Jean-Luc Mélenchon a vivement réagi à l’adoption de la résolution. Sur les réseaux sociaux, il a lancé : « Assez ! Assez de haine ! » et a dénoncé le RN comme « l’ennemi personnel de millions de compatriotes ». Il a rappelé les liens historiques et humains entre la France et les pays du Maghreb : « L’Algérie, le Maroc, la Tunisie sont des nations sœurs de la France ».
Il a accusé le RN de « continuer sans fin les guerres du passé », en exacerbant les tensions mémorielles et identitaires.
D’autres figures de la gauche ont également dénoncé le texte. Mathilde Panot (LFI) l’a qualifié de « raciste », Bastien Lachaud a parlé d’« obsession morbide » du RN à propos de la guerre d’Algérie.
Olivier Faure (PS) a critiqué l’absence des macronistes au moment du vote, pointant que la présence de Gabriel Attal aurait pu faire basculer le résultat.
Mémoires et symboles colonials
Le débat autour des accords de 1968 est en réalité chargé d’histoire. Ces accords régissent notamment la circulation, le séjour et l’exercice professionnel des ressortissants algériens en France depuis plus d’un demi-siècle.
Certains critiques, comme l’historien Benjamin Stora, estiment que l’accord a été vidé progressivement de sa substance dès les années 1970 et 1980, rendant son maintien aujourd’hui davantage symbolique que concret.
Enjeux diplomatiques et mémoriels
Une crise franco-algérienne relancée
Ce vote intervient dans un contexte déjà tendu entre la France et l’Algérie. La reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, les refus de réadmission de ressortissants algériens, ainsi que les critiques virulentes du régime algérien à l’encontre de la France alimentent la défiance mutuelle.
Certains analystes jugent que la résolution risque de provoquer un nouveau cycle d’escalade diplomatique, en s’apparentant à un geste hostile plutôt qu’à une proposition constructive.
Les limites juridiques et symboliques
Il est important de rappeler que la résolution votée ne contraint pas l’exécutif à agir. Par nature, une résolution exprime un avis politique, mais ne modifie pas le régime juridique en place. Dans le débat, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer une surenchère idéologique. Certains estiment que dénoncer cet accord serait une démarche électoraliste, voire risquée sur le plan diplomatique et juridique.
Par ailleurs, le droit international contraint les États quant à la dénonciation unilatérale des traités toute révision ou retrait doit respecter les modalités prévues dans ces accords.
Le vote symbolique contre les accords franco-algériens de 1968 a provoqué une onde de choc politique, révélant les fractures profondes de la société française sur les questions mémorielles, identitaires et diplomatiques.
Dans cette bataille de symboles, Jean-Luc Mélenchon a choisi la riposte frontale, dénonçant ce qu’il perçoit comme une haine irrésolue envers les peuples du Maghreb.
Mais dans un contexte déjà marqué par une diplomatie fragile entre la France et l’Algérie, cette polémique pourrait bien précipiter de nouveaux défis pour les deux pays, et pour la cohésion politique nationale.
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