Budget 2026 : impôts, retraites… comment le gouvernement espère mobiliser jusqu’à 14 milliards d’euros

Le projet de loi de finances (PLF) 2026, présenté en Conseil des ministres le 14 octobre 2025, marque le point de départ d’un débat parlementaire intense autour des choix fiscaux et sociaux du gouvernement Lecornu 2. Face à un déficit structurel, l’exécutif compte mobiliser de nouvelles recettes et exercer des économies ambitieuses pour rétablir les marges de manœuvre de l’État.

Le texte prévoit notamment de faire contribuer davantage les contribuables aisés, d’instaurer une taxe sur les holdings patrimoniales, de modifier le régime des retraites et de repenser certaines niches fiscales.

Ce qui suit est une version restructurée et enrichie du projet, avec un éclairage sur les enjeux et les critiques potentielles.

Le contexte budgétaire et les objectifs

Selon les projections officielles, le déficit public atteindrait – 4,7 % du PIB en 2026, soit une amélioration de 0,6 point par rapport à 2025. Pour y parvenir, l’effort s’appuie sur deux volets :

  • des économies sur les dépenses (notamment dans les ministères hors défense) ;
  • des recettes nouvelles, à hauteur d’environ 14 milliards d’euros, issues notamment de mesures fiscales

Le PLF 2026 s’inscrit dans la volonté de redresser progressivement les comptes publics, de maîtriser le rythme de croissance des dépenses et de « restaurer des marges de manœuvre » face aux aléas économiques.

En parallèle, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit de ramener le déficit de la Sécurité sociale à 17,5 milliards d’euros en 2026 (contre 23 milliards en 2025), avec une progression des dépenses de l’assurance-maladie contenue à +1,6 %.

Dix mesures phares du PLF 2026

Voici les dispositions les plus marquantes du texte budgétaire, auxquelles s’en ajoutent d’autres options en débat.

Contribution des plus hauts revenus : CDHR prolongée

La Contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), instaurée en 2025, est reconduite pour 2026. Elle impose un taux d’imposition minimum de 20 % pour les foyers ayant un revenu imposable supérieur à 250 000 € pour une personne seule, et 500 000 € pour un couple.

Ce mécanisme vise à limiter les stratégies d’optimisation fiscale qui aboutissent à des taux effectifs trop faibles pour les très hauts revenus.

Taxe sur le patrimoine financier des holdings

Une nouvelle taxe sur les holdings patrimoniales est instaurée pour contrer les mécanismes de « thésaurisation » non imposée via des sociétés écrans.

Elle ciblera les actifs non professionnels détenus au sein de holdings, tout en excluant les parties à usage strictement professionnel. On estime que cette taxe pourrait concerner jusqu’à 30 000 structures et rapporter entre 1 et 1,5 milliard d’euros.

Surtaxe sur les grandes entreprises reconduite (à moitié)

La surtaxe exceptionnelle sur les bénéfices des plus grandes entreprises (chiffre d’affaires > 1 milliard €), instaurée en 2025, est prolongée pour 2026, mais à un taux réduit.

Elle concerne environ 400 entreprises et devrait rapporter 4 milliards d’euros, contre 8 milliards prévus initialement pour 2025.

Suppression de certaines réductions d’impôts

  • Frais de scolarité : la réduction d’impôt pour les parents ayant un enfant au collège, lycée ou études supérieures est supprimée — une mesure touchant plus de 4,5 millions de foyers.
  • Indemnités journalières pour ALD : les indemnités journalières versées aux personnes en affection de longue durée (ALD) ne seraient plus déductibles de l’impôt sur le revenu. Cette suppression vise à économiser 700 millions d’euros.
  • Niches fiscales : le PLF prévoit de supprimer 23 niches parmi les 474 existantes, jugées « obsolètes ou inefficaces ».

Réforme de l’abattement pour retraites

L’abattement automatique de 10 % sur les pensions de retraite sera supprimé. À la place, un abattement forfaitaire de 2 000 € sera appliqué par foyer fiscal.
Le gouvernement défend cette mesure comme favorable aux retraités modestes, tout en sollicitant un effort plus marqué des retraités plus aisés.
Par ailleurs, le texte prévoit le gel des pensions de retraite de base en 2026 et, à partir de 2027, une sous-indexation de 0,4 point par rapport à l’inflation.

Incitation aux dons (dispositif “Coluche”)

Le plafond pour la réduction d’impôt au titre des dons aux organismes d’intérêt général passe de 1 000 € à 2 000 € pour les particuliers.

Suppression accélérée de la CVAE

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sera réduite progressivement :

  • de 0,28 % à 0,19 % en 2026 ;
  • puis à 0,09 % en 2027, avec une suppression définitive programmée dès 2028 (au lieu de 2030 initialement).

Taxe sur les petits colis

Pour freiner l’importation massive de petits colis (notamment depuis l’Asie), une taxe de 2 € par article (avant TVA) est proposée.
Cette mesure est présentée comme temporaire, en attente d’une harmonisation au niveau européen.

Réduction d’effectifs dans la fonction publique

En cohérence avec l’effort de maîtrise des dépenses, le PLF prévoit la suppression de 3 119 postes, notamment dans les opérateurs de l’État. Ces postes ne seraient pas remplacés.

Points de vigilance et critiques anticipées

Acceptabilité sociale

La combinaison de gels, de contributions accrues et de suppressions de niches pourrait susciter une contestation sociale, notamment parmi les retraités, les familles et certains professionnels dépendants des réductions d’impôt.

Risque d’efficacité des taxes sur les holdings

La capacité réelle de la nouvelle taxe à mobiliser les recettes attendues dépendra de la solidité des dispositifs anti-optimisation. Certains contribuables pourraient chercher à contourner les nouvelles règles.

Fragilité politique

Le texte reste susceptible d’être modifié en profondeur au Parlement, ou même censuré. Le gouvernement a déjà évoqué l’éventualité de procédures spéciales si le budget n’était pas adopté à temps.

Pression sur les retraites

Le gel des pensions et la suppression de l’abattement pourraient affaiblir le niveau de vie d’une partie des retraités, heurtant les engagements de protection sociale du pays.

Calendrier serré

L’Assemblée nationale et le Sénat disposent respectivement de 70 jours (PLF) et 50 jours (PLFSS) pour examiner les textes avant leur mise en œuvre dès le 1ᵉʳ janvier 2026.

Le PLF 2026 se présente comme un plan audacieux : l’exécutif cherche à dégager 14 milliards d’euros de recettes nouvelles tout en contrôlant les dépenses, pour remettre la France sur une trajectoire de redressement budgétaire.

Toutefois, la combinaison de mesures fortes, souvent ciblées, et d’un calendrier politique tendu en fait un texte à haut enjeu. Le débat parlementaire promet de longs ajustements, où seront testés à la fois la cohésion sociale et la capacité du gouvernement à défendre sa vision.

 

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