« J’ai besoin de vous » : Macron appelle à une « résistance » face aux menaces des réseaux sociaux

Dans un contexte d’inquiétude croissante sur l’influence des réseaux sociaux et d’Internet sur la démocratie, le président de la République a convoqué autour de lui une centaine de chercheurs, d’acteurs associatifs, de spécialistes des médias et de la santé mentale, afin de lancer un appel à la « résistance ».

Cet appel vise à construire une réponse collective contre les effets pernicieux des algorithmes, des bots, de la désinformation et de la marchandisation de l’attention. Cet article revisite les propos tenus, les pistes évoquées et les enjeux qu’ils soulèvent.

Le discours de l’Élysée : résistance, plateforme d’action et projet commun

Une réunion stratégique autour des menaces numériques

Le chef de l’État a réuni quelque 200 experts et acteurs de terrain à l’Élysée pour débattre des risques liés à Internet et aux réseaux sociaux sur le débat démocratique et les processus électoraux.

Il a appelé à proposer d’ici la fin de l’année des pistes de régulation, d’action collective, et des dispositifs de « résistance » au-delà des seules solutions législatives.

Il a encouragé la création d’une « petite plateforme d’action » et la construction d’un « projet d’action commun » impliquant chercheurs, associations, élus et acteurs technologiques.

L’accent mis sur la santé mentale et les enfants

Au cœur des échanges figurait aussi l’impact des écrans sur la santé mentale des plus jeunes, un sujet déjà souvent porté par le président dans ses discours. Le danger des écrans ne se limite pas à la dimension politique : il touche également le bien-être psychologique, notamment des adolescents.

Le moment politique choisi

Ce virage thématique intervient alors que le président cherche à redéfinir son positionnement après une période de moindre visibilité sur la scène intérieure, notamment depuis une dissolution ratée du Parlement.

Il semble vouloir faire de cette lutte contre les effets néfastes des réseaux un thème fort de la période précédant les élections municipales de 2026 et la présidentielle de 2027.

Les menaces identifiées et les propositions envisagées

Algorithmes, bots et désinformation

Plusieurs intervenants ont souligné que les plateformes numériques exploitent des algorithmes dont l’objectif est de retenir l’attention des usagers, parfois à des fins idéologiques ou publicitaires. Ce sont ces algorithmes silencieux et inédits qui, selon eux, constituent un « quatrième pouvoir » non encadré.

Des experts ont appelé à la création de « contre-algorithmes de supervision », c’est-à-dire des outils visant à contrebalancer les effets opaques des systèmes de recommandation.

L’usage des trolls et des bots a été dénoncé comme capable de fausser les perceptions et d’aggraver la polarisation, en amplifiant les contenus les plus viraux ou en trompant les systèmes de recommandation.

Réseaux sociaux « d’intérêt public » et période de réserve

Une proposition forte a été de concevoir des réseaux sociaux d’intérêt général, reposant sur des modèles non commerciaux, avec des algorithmes transparents et éthiques. Cette idée s’inspire notamment du concept d’une plateforme publique du débat démocratique.

Autre suggestion : instaurer des « périodes de réserve » sur les réseaux avant les scrutins, à l’instar des médias classiques, pour limiter la diffusion d’informations manipulatoires ou non vérifiées en période électorale.

Alliances nationales et internationales

Le président a évoqué l’idée de constituer une « coalition numérique » avec d’autres États pour renforcer la régulation collective des plateformes et converger sur des règles technologiques, notamment en matière de vérification d’âge.

Au plan national, ce chantier s’inscrit dans la continuité des États généraux de l’information, lancés pour réinterroger le rôle des médias, de la régulation et des plateformes face aux défis de l’ère numérique.

Régulation, législation et responsabilité

Le débat a aussi porté sur le volet législatif obligations de transparence, lutte contre les contenus haineux, contrôle des modèles publicitaires , tout en soulignant que les lois seules ne suffisent pas sans appropriation par la société civile, les éducateurs et les usagers eux-mêmes.

Le président a insisté sur le fait qu’il ne fallait pas se borner à des textes, mais engager un travail culturel et institutionnel pour réaffirmer la souveraineté démocratique sur le numérique.

Enjeux, risques et perspectives

Vers une souveraineté numérique

Le défi consiste à construire une souveraineté numérique au niveau national et européen, pour ne pas laisser le contrôle des flux d’information aux grandes plateformes mondiales. Dans ce cadre, l’Union européenne a déjà adopté des textes comme le Digital Services Act (DSA) qui impose transparence et obligations aux géants du numérique.

Responsabilité civile, citoyenne et éducative

L’appel à la « résistance » suppose que chaque citoyen et à plus forte raison, chaque élève soit davantage conscient de son rôle dans le partage d’informations. Cela renvoie à l’éducation aux médias, à la sensibilisation à l’esprit critique, et à l’apprentissage de comportements numériques responsables.

Risques de surpolitisation ou de mesure restrictives

Ce type d’initiative peut susciter des oppositions, notamment autour des libertés d’expression, du risque d’arbitrage politique des plateformes, ou de mesures excessives de modération. Cela pose le défi de trouver l’équilibre entre régulation, protection et liberté.

Une invitation à l’engagement collectif

En formant ce réseau d’experts et d’acteurs, le président semble vouloir dépasser la posture présidentielle et partager la responsabilité de la transformation numérique. C’est aussi un pari sur la mobilisation de la société civile, des chercheurs, des ONG et des collectivités territoriales.

Avec son appel à une « résistance » collective contre les dangers des réseaux sociaux pour la démocratie, le président souhaite catalyser une dynamique de réarmement numérique, institutionnel et civique.

Il ne s’agit pas seulement d’adopter des lois, mais de refonder le rapport de nos institutions et de notre société au numérique.

Le succès de cette initiative dépendra autant de la pertinence des propositions qu’elle suscitera que de la capacité à les traduire dans l’action et de la mobilisation de tous les acteurs concernés.

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