Le procès de Lola : comprendre l’affaire Dahbia Benkired

Le 14 octobre 2022, une fillette de 12 ans prénommée Lola disparaît à Paris. Quelques heures plus tard, son corps est retrouvé dans une malle. Après une enquête complexe et de multiples rebondissements, Dahbia Benkired est présentée comme principale suspecte. 

Trois ans après les faits, le procès s’ouvre devant la cour d’assises de Paris, soulevant de nombreuses questions : quel est le mobile ? Quelle est la place des expertises psychiatriques ? Et que dire du contexte politico-médiatique entourant cette affaire ?

Cet article retrace les grandes étapes du dossier, éclaire les enjeux judiciaires et explore les défis que pose ce procès hors norme.

Les faits et l’enquête

Le 14 octobre 2022, Lola quitte son collège et ne rentre pas chez elle. Ses parents, inquiets, consultent les images de vidéosurveillance de leur immeuble situé dans le 19ᵉ arrondissement de Paris. Les caméras montrent la fillette entrant dans l’immeuble vers 15h20, suivie par une femme inconnue. Quelques heures plus tard, la même femme est filmée ressortant du bâtiment avec plusieurs bagages, dont une grande malle rigide.

Aux alentours de 23h30, le corps de Lola est retrouvé à l’intérieur de cette malle abandonnée dans la cour intérieure de la résidence. L’autopsie conclut à une mort par asphyxie, avec des marques de strangulation et de multiples blessures postérieures. Sur ses pieds, les enquêteurs découvrent les chiffres « 0 » et « 1 » tracés au vernis rouge, un détail glaçant qui laisse les enquêteurs perplexes.

Rapidement, l’enquête s’oriente vers Dahbia Benkired, née en 1998 en Algérie et en situation irrégulière en France. Elle était sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français au moment des faits. Plusieurs témoins affirment qu’elle aurait tenu des propos incohérents, évoquant même le transport d’organes humains. Interpellée dès le lendemain dans les Hauts-de-Seine, elle est placée en garde à vue, puis mise en examen pour meurtre aggravé sur mineur de moins de 15 ans, viol avec actes de torture et de barbarie, ainsi que torture sur mineur. Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Le profil de l’accusée et les expertises psychiatriques

Dahbia Benkired est arrivée en France en 2016 avec un visa étudiant. Son parcours est marqué par une grande précarité : absence de logement stable, petits emplois éphémères, dépendance financière envers autrui. Après le décès de son père en 2019 puis de sa mère en 2020, sa situation se détériore. Sa consommation de cannabis augmente, et plusieurs témoins décrivent un comportement instable, fait de crises soudaines, de discours incohérents et d’une tendance à parler seule.

La première expertise psychiatrique, réalisée en novembre 2022, conclut qu’elle ne présente aucun trouble psychique majeur susceptible d’abolir son discernement au moment des faits. Une contre-expertise conduite en 2023-2024 va dans le même sens, soulignant des traits de personnalité narcissiques, manipulateurs et instables, mais pas de pathologie mentale profonde. Les experts retiennent donc sa pleine responsabilité pénale.

Lors de sa garde à vue, Dahbia multiplie les versions contradictoires : parfois elle avoue, parfois elle se rétracte, parlant d’un rêve, d’un « démon » ou d’un cauchemar. Face aux photographies du corps, elle lâche une phrase glaçante : « Ça ne me fait ni chaud ni froid. »

Les enjeux judiciaires et médiatiques

Le mobile du crime demeure une énigme. Dahbia évoque tour à tour une querelle avec la mère de Lola, un refus d’accès à l’immeuble ou encore une vengeance impulsive, mais aucun élément concret ne vient étayer ces récits. Le procès devra donc déterminer ce qui a réellement motivé son geste.

L’affaire a pris une dimension politique majeure. Le fait que l’accusée était sous le coup d’une OQTF a provoqué une tempête médiatique. Certains responsables politiques ont dénoncé un « laxisme d’État », tandis que d’autres ont mis en garde contre une récupération politique d’un drame purement criminel. Dans la presse étrangère, notamment britannique et américaine, le meurtre de Lola est devenu le symbole d’un débat français sur l’immigration, la justice et la sécurité publique.

Le procès à la cour d’assises de Paris

Le procès s’est ouvert en octobre 2025 devant la cour d’assises de Paris. Durant plusieurs jours, les témoins, les enquêteurs et les experts psychiatres ont été entendus. Les débats se concentrent sur le déroulement exact du drame, le degré de préméditation et l’état mental de Dahbia Benkired au moment des faits. Une reconstitution a été envisagée afin d’éclaircir les nombreuses zones d’ombre.

À l’issue des plaidoiries, le verdict sera rendu. Selon la qualification retenue et les circonstances reconnues par la cour, l’accusée risque la réclusion criminelle à perpétuité, la peine la plus lourde prévue par le Code pénal français.

Le procès de Dahbia Benkired marque l’un des épisodes judiciaires les plus marquants de ces dernières années. Au-delà de l’horreur du crime, il questionne la responsabilité individuelle, les failles du système migratoire et la récupération politique de la souffrance humaine.

Face à la douleur des parents de Lola, la justice tente de répondre à la fois à l’attente de vérité et au besoin de réparation. Mais comme dans bien des affaires où le mobile reste obscur, certaines zones d’ombre risquent de demeurer, laissant derrière elles un sentiment de vertige et d’incompréhension.

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